Arabie Saoudite

Pythéas
    Arabie Saoudite
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Lorsque j'étais jeune ingénieur, au début des années 80, j'ai pu séjourner deux ans en Arabie Saoudite avec mon épouse et ma fille Sylva, dans la région de Qassim. Cette région située à environ 400 km au nord de Riadh, était considérée comme étant de très stricte observance du point de vue religieux par les saoudiens eux-mêmes. Les mutawah (police religieuse) patrouillaient et beaucoup d'habitants (citadins surtout car les bédouins étaient beaucoup plus tolérants) les y aidaient. Il n'était donc pas facile d'y prendre des photos et j'y ai d'ailleurs rencontré quelques problèmes avec mon M4 (équipé d'un seul objectif : un 'cron 50). J'ai vite compris qu'il était très risqué de photographier des autochtones, voire des chameaux (cf. infra) et je me suis essentiellement contenté de paysages... pris à la sauvette car il y avait également des risques significatifs. Le noir-et-blanc n'étant pas envisageable, je me suis mis à la diapo (Ektachrome), développée à Ryadh et rendu après passage par la censure du photographe. Je vais nourrir ce fil au fur-et-à-mesure de mes redécouvertes car je n'ai pas revu ces clichés depuis une trentaine d'années...

En arrière plan : centrale électrique de Qassim.
Cette centrale alimentait toute la région constituée de deux grandes villes (Buraydah et Unayzah), de villes de moindre importances (Zilfi, Al Rass), d'une zone de culture située près de Zilfi et d'immenses zones désertiques sur lesquelles les plus gros clients étaient... les pertes ! La centrale était construite par une société canadienne, mais l'équipement électrique était essentiellement japonais (Mitsubishi et Toshiba). La centrale n'a pas été une bonne affaire pour les entreprises étrangères, étranglées en fin de chantier par de fortes pénalités de retard.
Au premier plan, des chameaux (à une seule bosse : donc des dromadaires). Mes problèmes ont commencé dès ma première sortie, alors que je faisais des photos sur le marché aux chameaux de Buraydah. Un quidam m'a sommé de le suivre au commissariat de police, puis de lui donner mon appareil photo, au motif qu'il était interdit de prendre des photos dans un lieu public. Les mutawah ayant été appelés, j'ai vite compris la situation et je m'en suis sorti en retirant et voilant la pellicule et en faisant un mea culpa appuyé. Pour la petite histoire, un ingénieur allemand est reparti par le même avion que celui qui l'avait amené pour avoir photographié un chameau à la sortie de l'aéroport, en plein désert. Motif : zone stratégique...
Paradoxal
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Merci Pythéas.
Je vais suivre ton fil avec intérêt!
Paradoxal
teiki arii
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Paradoxal a écrit :
Merci Pythéas.
Je vais suivre ton fil avec intérêt!
Moi de même, et les commentaires fort intéressants avec... :wink: Merci!
"De mes passions je n'en vis pas, mais je les vis pleinement..."
:iboitier: :leica:-R en mesure spot :iobj: :leica:-R :ifilm: Tri-X --+-- :iboitier: Pentax K-1 (MKII)/ :iboitier: Panasonic Lumix S1/S1R :iobj: :leica:-R & Sigma Art 35
Jean60
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teiki arii a écrit :
Paradoxal a écrit :
Merci Pythéas.
Je vais suivre ton fil avec intérêt!
Moi de même, et les commentaires fort intéressants avec... :wink: Merci!


Moi de même itou... :wink:
Leica: M6, M8, M9, Leica Q, Leica Q2 :diaph:
michel (proteus)
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metz
j'attends la suite avec impatience
michel
si vous voulez voir l'invisible, observez attentivement le visible
Pythéas
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Comme on l'imagine, les sports traditionnels de la péninsule arabe sont ceux du désert et de ses habitants (bedou = habitant du désert) : la chasse au faucon, au slougui (le lévrier arabe), les courses de chameaux et les courses de chevaux. Les exigences de la vie urbanisée et la nécessité de protéger le gibier en voie de disparition limitent la pratique de la chasse. En 1977, le roi Khaled a d'ailleurs interdit totalement l'usage du fusil dans un souci de conservation. La gazelle et l'oryx, proies traditionnelles du sloughi, ont disparu du désert. Le grand houbara, le courlis et le lièvre, gibiers du fauconnier, se font rares.
Les courses de chameaux restent très prisées dans les communautés du désert. Les courses de chevaux sont fréquentes dans les grandes villes et l'affluence est grande au champ de course de Riadh.
Nous avons pu assister à une course de chameaux près de Buraydah et je me suis aventuré à prendre quelques photos.
2-

3-

4- Ma fille Sylva avec mon épouse (couverte de la abaya)
punkrocker
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Vieux briscard
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trop loin de la Bretagne...
un reportage qui éveille ma curiosité (et puis l'ektachrome, y'a bon)

rendez vous est pris pour la suite :D
Pythéas
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La plupart des saoudiens estiment à juste titre que leur façon de s'habiller est plus adaptée au climat de leur pays que les vêtements occidentaux.
Les hommes portent sur la tête une étoffe, la ghotra, généralement de carrés rouges et blancs pendant les mois les plus frais et blanche durant les mois chauds (cela étant, les saoudiens de statut social élevé préfèrent souvent porter la ghotra blanche). Le vêtement principal est une longue chemise blanche (cf. supra photo 2), le thaub, sur laquelle on peut porter à la fraicheur une longue robe flottante, la mislah, souvent de couleur brune (cf. photo 5).
La ghotra permet naturellement de se protéger du soleil, mais également d'éviter l'inhalation de très fines poussières de sable qui viennent progressivement tapisser les parois des poumons. Lorsqu'au bout d'un an, j'ai passé ma visite médicale annuelle obligatoire à l'hôpital Houphouët Boigny de Marseille, la radio a montré que mes poumons étaient déjà assombris ce qui aux dires du médecin - ne présenterait aucun danger, mais m'a tout de même incité à adopter la technique ancestrale de protection du bedou. La ghotra portée sur la bouche, permet également d'éviter les déperditions d'humidité lors du cycle expiration-inspiration.

5 -


Dès qu'elles sont pubères, les femmes portent la abaya, une longue robe de couleur noire qui doit impérativement leur couvrir la tête. Je ne suis pas certain que le noir soit très adapté au climat... mais il est vrai que la saoudienne sort peu et que l'air conditionné est partout présent : voitures, magasins, souk, etc...
Dans la région de Buraydah et d'Unayzah (al Qassim), les musulmanes se couvrent totalement le visage avec une étoffe noire. En 2 ans, je n'y ai jamais vu un visage de saoudienne. Les occidentales non musulmanes peuvent ne pas se couvrir le visage pourvu qu'elles se fassent discrètes. Au coeur du souk d'Unayzah, mon épouse a été très vivement prise à partie par un groupe de saoudiennes car son habaya avait glissée et laissait entrevoir ses cheveux... sexuellement très suggestifs semble t-il, comme la bouche.

6 - Mon épouse en tenue de sortie:

Très peu de femmes assistent aux courses de chameaux et en fin de compte, il est plus aisé d'y sortir son Leica (avec beaucoup d'angoisse et moult précautions).
Antochine
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Saint Viâtre (41)
Bonjour Pytheas,

Un grand merci pour ces images leurs commentaires d'autant plus interessants qu'ils respectent les faits sans y porter un jugement trop prononce. Pas facile de faire des cliches dans ces conditions... sais tu quelle est la situation actuelle en cet endroit du monde? (du point de vue photographique, bien sur) C'est assez fascinant je trouve, tes images et tes textes m'amennent a bien des reflexions (le droit a l'image, la societe de surconsomation d'images, etc...)

bravo!!! (d'autres cliches?)

Crdlt.
Antonin
La sagesse est d'avoir un rêve assez grand pour ne pas le perdre de vue lorsqu'on le poursuit
www.antonin.cn
Stephan_W
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Vieux briscard
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j'applaudis, c'est très intéressant!
invite9

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Pythéas
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Merci pour vos remarques et encouragements. La suite arrive mais j'ai quelques difficultés à scanner les diapos sous cache avec un scanner à plat mixte. Généralement, la photo est coupée...
Mais comme le dit un proverbe arabe qu'il est préférable de vite assimiler quand on travaille en Arabie Saoudite : "la patience est la clé du soulagement", traduit localement par "IBM" : Inch'Allah, Boukra, Malech (si Dieu le veut, demain, peut-être) 8).
Prochaine série : l'habitat traditionnel.
teiki arii
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Sobre et remarquable! :wink:
J'attends la suite avec impatience...
Que de profondeur dans ce beau regard plein d'amour!
"De mes passions je n'en vis pas, mais je les vis pleinement..."
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Pythéas
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Les méthodes traditionnelles de construction sont très adaptées au Nejd, zone centrale de l'Arabie dont fait partie al Qassim. Le principal matériaux est la brique de boue séchée à l'air. Une fois monté, le mur est lissé par application d'un torchis. Les murs sont épais et isolent bien des extrêmes du climat local : les nuits peuvent être fraîches (- 7°C enregistré à Riadh) et dans la journée, la température peut atteindre 45 à 50°C, voire davantage dans le sud. La sécheresse de l'air et l'absence de nuages provoquent de jour une très forte insolation et créent des différences de température diurne et nocturne considérables.
Le toit des constructions est constitué de poutres de bois, en général du tamaris, sur lesquelles on étale une natte de palme ou un entrelacs de brindilles. L'ensemble est ensuite recouvert de torchis. Moulures et crènelures, souvent rehaussées de blanc, ornent les extérieurs. A l'intérieur, les murs sont partiellement recouverts de plâtre et ornés de motifs géométriques colorés.
Les maisons traditionnelles sont maintenant délaissées pour des constructions modernes en parpaing. Elles partent rapidement en poussière, à l'exception de quelques bâtisses sauvegardées par l'État ou par les municipalités.
Nous avons pu en visiter quelques habitations dans un hameau complètement abandonné, ou désertées dans la campagne, au profit de nouvelles constructions en parpaing.

7 -


8 - Les maisons du Nejd ne sont percées que de rares ouvertures sur la rue afin de préserver l'intimité familiale.


9 - Des portes rectangulaires en bois ferment l'entrée des maisons. Leur gabarit et leur niveau de décoration augmentent avec l'importance du propriétaire.


10 - La maison du Nejd est souvent construite autour d'une cour centrale.


11 -


12 - Les salles de réception peuvent se situer au rez-de-chaussée ou à l'étage. En général, les pièces inférieures servent à entreposer les provisions et le visiteur est reçu à un étage supérieur. Un petit foyer placé dans un coin permet de préparer le café (non pris en photo car cette particularité m'avait échappé). Cet instant de convivialité est très important pour l'habitant du Nejd.


13 - Les différents niveaux communiquent par des escaliers intérieurs ou extérieurs.


14 - L'habitant du Nedj vit dans la rue ou le désert, dans sa maison et sur son toit.



15 - Dans les villes comme Unayzah et Buraydah, les habilitations comprenaient souvent plus d'un étage. La couleur des constructions en boue varie du jaune clair (l'été en plein soleil), au rouge orangé (lorsqu'il vient de pleuvoir).



16 - La mosquée du Nejd comprend un mur d'enceinte entourant une cour à ciel ouvert et un sanctuaire fermé. Sur le mur du fond - qibla - est découpé le mirhrab qui fixe l'orientation vers La Mecque.




17 - Dans le Nejd, les mosquées n'ont pas de haut minaret, mais un simple tour qui surplombe la bâtiment principal. Le muezzin ne monte plus à la tour : l'appel à la prière est - fortement - propagé par des hauts parleurs.


18 - A al Qassim toutefois, les minarets sont hauts et cylindriques.


19- Ce minaret (je ne me souviens plus s'il est à Unayzah ou à Buraydah) est en cours d'intégration dans une mosquée moderne.


20 - Comme le reste de l'habitat traditionnel, les minarets sont fait de briques de boue séchées à l'air.



21 - Des tours de guet marquent ça et là le paysage.



22 - Promenades et découvertes dans un hameau abandonné, loin des regards.


teiki arii
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:shock:
Splendide, moi qui me retape "les sept piliers de la sagesse" dans la langue de shakespeare...
Encore! 8) :wink:
"De mes passions je n'en vis pas, mais je les vis pleinement..."
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