En tant qu’éditeur associé dans la très belle association Fotograficasa, sis dans le Cap Corse (
http://fotograficasa.com) et cette activité étant nécessairement liée au livres de ou autour de la photographie, il m’arrive plus souvent qu’à mon tour de parcourir ce type d’ouvrage, par goût et par nécessité, pour apprendre du travail des autres, que ce soit le « carénage » de l’objet, ou le fond, les photos et les textes et leur mise en page. J’adore ce mélange de deux arts majeurs, l’objet qui en résulte, et l’effet qu’il produit – ou pas – sur moi.
Mais j’en achète rarement, ayant la chance de recevoir pas mal de service de presse. Or j’ai fait une exception pour le dernier Opus de Fabrice Deutscher • REC | #1 // L O V E //
http://fabricedeutscher.com/content/REC_1-TdT.html Une double exception, et très notable, car j’ai craqué pour un des vingt superbes tirages de tête, mais j’ai aussi commandé le tirage normal, fort beau lui aussi. Le tout très abordable, le livre broché étant à 25 euros (FDP inclus si vous commandez par le site).
Et pourquoi donc cet engouement ?
Pour faire court, parce que c’est un livre beau et passionnant. Le tirage de tête, bien entendu, avec ses trois tirages charbon 14x21 – sorry guys, mais il n’en reste plus, j’ai eu de la chance, j’ai eu le dernier – mais aussi le livre pour le lire, et le relire, et le relire.
Beau, oui : Fabrice photographie en noir & blanc, très noir et très blanc, un mélange impressionnant au sens étymologique, ou se mêlent humour sarcastique et rêverie enfantine. Un parti pris qui oscille entre vision acérée, soulignée par le tirage et le cadrage d’une féroce précision d’une part, et douce chimère, où les transgressions sont souvent imperceptibles.
Et passionnant, car l’histoire à laquelle nous convie Fabrice est puissante, et là encore mélange de douceur et de violence, Eros et Thanatos, même si Fabrice préfère la litote à la démonstration. Il s’agit de la nuit, ici, qui se raconte à la première personne, convoquant d’étonnants personnages. On pense à Brassai, bien entendu, pour la tendresse, mais aussi, plus proche de nous, à D’Agata pour la rage et la proximité, même si Fabrice a choisi d’être l’interlocuteur de la nuit plutôt que son témoin.
Et un style, déjà très affirmé. Même si Fabrice est « relativement » jeune à la photographie, son expression visuelle est immédiatement reconnaissable, car elle irradie de sens, et les sens aussi, tout en grâce et sensualité. REC #1 te prend dès la première image et remplit parfaitement son contrat, car tu en ressors changé, et ce bien avant la dernière, qui tel un acrobate sur son fil, nous renvoie au sujet par une pirouette de filou incroyablement réussie.
REC #1 Love est une superbe réussite, intense et mélancolique, honnête et mystérieuse, qui m’a secoué et apaisé, et ce qui me ravit, c’est q’il y aura une suite, comme son titre le laisse penser, ce qui au passage te permettra, toi qui me lit, de ne pas rater le tirage de tête, cette fois ci.
Pierre