Schaerbeek, "Mais il n'y a rien de beau ici...!"

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Collard-Neven
    aux summiluxiens de passage à Bruxelles
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Bruxelles
Bonjour à toutes et tous,

je me permets de signaler une exposition de photo qui a lieu en ce moment au Centre Culturel de Schaerbeek (Bruxelles) et qui est liée à un spectacle de théâtre que nous avons créé cet été ma compagne et moi.
Le spectacle rassemble des textes et photos qui parlent de cette commune réputée difficile de Bruxelles, du pseudo-ratage de l'intégration dont se gargarise certains politiciens, cela parle de notre vie de tout les jours, des gens que nous croisons, avec qui nous apprenons à vivre au quotidien. Nous avons voulu donner un regard de l'intérieur qui tranche avec les discours ambiants qui sont plus souvent dictés par la peur et la méconnaissance.

L'exposition est visible jusqu'au 4 octobre au Centre Culturel de Schaerbeek, 91 rue de Locht, accessible du lundi au vendredi de 10h à 16h. Elle sera à nouveau visible à la bibliothèque de Schaerbeek en février et accompagnera certainement de temps à autres le spectacle lors de tournées.

J'ai créé une galerie rassemblant une sélection de photos :

galerie de Collard-Neven


Et voici un texte que l'on peut lire à l'entrée de l'expo :

"Une nuit de septembre, je promenais à Schaerbeek un appareil photo des années 30 dans lequel j’avais chargé une pellicule très sensible prévue précisément pour les prises de vue en basse lumière. Une assez longue promenade nocturne et photographique m’avait amené jusque devant la gare où, sous une pluie annonçant déjà l’approche de l’automne, je rangeai ma voiture sur le bas-côté, presque en face d’une rangée de bars encore éclairés malgré l’heure tardive. Je restais à l’intérieur afin de protéger l’appareil de la pluie et j’essayais, en calant mon Leica contre le volant, de rendre cette belle lumière que les réverbères projetaient sur les pavés luisants. Mais voilà qu’en un instant je me trouve entouré de 4 ou 5 gaillards qui se postent tout autour de la voiture, l’un ouvrant la portière passager, un autre celle de mon côté avec des mines peu engageantes. Arrive celui qui semble mener le groupe et qui m’interpelle assez brutalement, il me demande ce que je fous là, vise mon appareil, me somme de lui montrer les photos que j’ai prises, je lui explique que ce n’est pas possible, il s’énerve, je lui montre le dos de l’appareil afin qu’il voie qu’il n’y a pas d’écran pour visionner les photos, il me dit que je me fous de lui (il le dit moins poliment), j’essaie de lui expliquer que la photo est une passion, un hobby, qu’avant la photo numérique on utilisait de la pellicule, que je développe mes films moi-même, il me demande pourquoi je fais ça, pour qui je travaille, qui m’envoie. Il me demande pourquoi je photographie sa maison. Ils se font menaçant, ils m’encerclent un peu plus, m’extraient de la voiture, un autre est déjà monté à l’intérieur, on agrippe mon manteau. Impossible de s’expliquer, on ne me laisse pas finir une phrase. L’un prétend même que cela fait longtemps qu’il me voit rôder dans les parages avec mon appareil photo.

Ils me disent que ça n’existe pas un appareil photo dont on ne peut pas voir les photos tout de suite. Ils menacent d’appeler la police, j’espère bien qu’ils vont le faire car je ne suis plus très rassuré. Par chance une voiture de police passe – nous sommes proches du commissariat -, elle s’arrête, deux policiers entendent d’abord l’explication de mes camarades, l’un des policiers s’approche alors de moi et adopte une attitude presque aussi menaçante. Pourquoi je prends des photos? Même étonnement devant cet appareil qui n’a pas d’écran, il m’explique enfin avec des airs mystérieux que le type qui ne veut pas qu’on photographie sa maison vient d’avoir des soucis – il le connaît donc - et qu’il est un peu méfiant en ce moment, qu’il faut le laisser tranquille.

Les policiers repartent non sans avoir remarqué à nouveau que c’est tout de même assez étrange de sortir un soir de pluie pour prendre des photos, ils m’ont à l’oeil c’est sûr.

Mes cinq gaillards, à peine calmés, se séparent de moi alors que j’essaie encore de leur expliquer que prendre des photos est mon plaisir, que je ne voulais pas être intrusif en me postant là où je m’étais posté, et à ce moment, celui que ne veut pas qu’on photographie sa maison se retourne vers moi et me lance : “ prendre des photos? Mais il n’y a rien de beau ici”.

C’est pour ces hommes-là que j’ai décidé de monter cette exposition de photo. Donner à voir ce qu’il y a derrière les choses, lorsque le quotidien et le banal deviennent poésie, rêverie. La beauté n’est jamais que dans le regard de celui qui la contemple, j’ai donc eu envie de mettre en lumière ce qui est là si près de nous, à Schaerbeek, que nous ne voyons pas ou plus, ouvrir des horizons, donner à voir, entendre, sentir plus fort et plus loin notre quotidien.

Les photos qui constituent cette exposition n’ont pas été volées mais empruntées et les exposer ici aujourd’hui est une manière de les restituer à Schaerbeek. L’appareil photo qui ne quitte pas mon sac a été au fil des mois accepté par mes voisins, les gens, les amis que je croise quotidiennement dans les rues de mon quartier et c’est tout naturellement que je sors à présent cet appareil pour capturer des instants de vie quotidienne auxquels la photo confère une grâce qui nous échappe parfois dans le temps présent et dont elle révèle toute la noblesse et la part d’humanité.
"


Jean-Philippe Collard-Neven
Lenormand
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Depuis le 19 sep 2006
Normandie Basse
Belle démarche. Bravo et merci de partager ici.
amateurdarts
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Depuis le 13 déc 2005
Le Cheylas
Belle histoire.
La démarche prend tout son sens. A mes yeux, c'est plus important.
Félicitation.
Arnaud
La plupart du temps, l’appareil photographique m’encombre ; je ne sais pas comment le porter, cela fait des plis sur ma chemise et dégrade mon allure...
Collard-Neven
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Depuis le 28 juil 2011
Bruxelles
merci.
Nous avons joué avant-hier soir à Schaerbeek le spectacle auquel sont liées les photos. Il y avait dans la salle plusieurs des personnes photographiées et dont on parle aussi dans le spectacle. Cela donnait un poids et un sens particulier aux mots et aux images (à la musique aussi d'ailleurs). Certaines personnes venaient pour la première fois au théâtre et n'avaient jamais vu une exposition de photos.

Des soirées comme celles-là donne parfois plus de sens à ce que l'on fait que 10 concerts dans de grandes salles prestigieuses...

Jean-Philippe.

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