(oui, Philippe, je vois de quoi tu parles !)
Bonjour ! Je donnerai tout d’abord mon point de vue sur diverses interventions, citées dans l’ordre, car vous avez été prolixes et ce débat est vraiment intéréssant ! J’aborderai à la fin le sujet
correction de parallaxe ne signifie pas correction de perspective.
phipessac a écrit :
Oula, il promet ce match Jean D. - Lison !
villegas juan carlos a écrit :
Après avoir lu tous les messages, je me pose une question ; sur quoi ils sont en désaccord, Jean D. et Lison ?
Philippe et Juan carlos, je ne pense pas qu’un "match Jean D. - Lison" se noue, je ne pense pas que nous soyons en désaccord, nous avons probablement le même point de vue (c’est le cas de le dire
). J’ai lu avec intérêt le fil de Lison sur le sujet complexe de la perspective, ses dessins sont remarquables !
phipessac a écrit :
si la perspective ne dépend que du point de vue comme le dit Lison (et je veux bien le croire), alors effectivement il y a un petit problème avec le viseur du Leica M qui ne se trouve pas dans l'axe de l'optique : on voit la scène à travers ce viseur d'un point de vue différent de celui de l'objectif (et donc du film). Ceci donne donc raison à Jean D., et confirme la supériorité de la visée reflex qui correspond effectivement elle bien au même point de vue, donc à une même perspective.
Philippe : << ceci donne donc raison à Jean D. >> (mais Lison est certainement également d’accord) << et confirme la supériorité de la visée reflex >>, oui, supériorité théorique sur ce point précis, négligeable dans la plupart des cas de la pratique… Mais, comme je l’écrivais précédemment, vouloir opposer le Leica aux appareils reflex n’a aucun sens, en particulier sur le plan de la visée : ce sont deux conceptions distinctes de l’aménagement d’une chambre noire. On peut comparer un Nikon à un Canon ou à un Leicaflex, mais aucun de ces trois-ci à un Leica… Ce n’est ni "mieux", ni "moins bien", c’est totalement différent et repose sur un choix très personnel ; dans les deux cas cela sert à pratiquer la photographie, c’est tout.
phipessac a écrit :
il me semble que cette "erreur de perspective" au M dépende de la distance au sujet et de la focale. Genre d'autant plus grande que le sujet est proche et que la focale augmente. Suis-je dans le vrai ?
Exactement, Philippe, mais ce phénomène optique auquel je suppose tu fais allusion, sensible au Leica "M" dans certains cas "extrêmes", doit être nommé "erreur de parallaxe" et non "erreur de perspective" ; il augmente, en effet, avec la proximité du sujet et l'allongement de la distance focale. Dans ces cas "extrêmes", ce phénomène entraîne une différence de perspective (qui n'est pas une "erreur") entre l'image de visée et l'image qui impressionne le film, nous en reparlerons plus loin.
alain.besancon a écrit :
Non, je ne vois pas une visée réflexe tunellisée donner le relief, mais la PDC plus ou moins visible contribue à l'illusion.
La visée reflex ne peut donner le relief car elle est monoculaire. La sensation réelle du relief requiert la stéréoscopie, c’est-à-dire l’usage des deux yeux. Fermez un œil : vous ne voyez plus le relief ; vous avez l’impression de voir en relief, mais c’est une illusion due au fait que vous SAVEZ identifier les positions respectives des plans qui s’étagent devant vous (vous SAVEZ que la chaise est devant la table, elle-même devant la fenêtre). Pour la même raison, l’impression de vision en relief que l’on peut éprouver à travers un viseur reflex est une illusion ; en effet, << la PDC plus ou moins visible contribue à l'illusion >>. Un viseur de Leica ne procure pas davantage une vision en relief, car il n'offre également pas une vision stéréoscopique ; il est fréquent de garder les deux yeux ouverts en visant au Leica, mais la vision n’en est pas pour autant stéréoscopique, car le grandissement du viseur n’est pas égal à 1 (le seul viseur permettant une réelle vision stéréoscopique est le superbe viseur annexe à miroir n° 12015, donnant le cadre 50 mm, procurant une splendide image en grandeur naturelle).
alain.besancon a écrit :
Qu'il y ait une explication "optique", rationnelle de l'une ou l'autre théorie, admettons mais je croirais plus en une explication quasi "culturelle" ou la part de subjectivité, lourde au départ influe peut-être objectivement: le M ne coupe pas de son sujet comme un reflex = on est derrière l'appareil ET un peu dans la scène ... 1° approche de la dimension profondeur
Alain, votre interprétation - quasi psychanalytique - de la visée au Leica "M" est vraiment intéressante : il y a certainement (inconsciemment ?) de ça !
Filament a écrit :
Justement, la correction de la parallaxe, n'est-ce pas pour que dans le viseur on regarde ce qui sera sur le film
Tout à fait, et dans le cas général ça marche ; je développerai ce point plus loin.
villegas juan carlos a écrit :
Le bouquin de Mannheim (Leica M6) parle de cette "différence de perspective résiduelle, entre le viseur et l'objectif, elle n'est significative que pour les prises de très près..."
Je suppose que Mannheim fait allusion à l’effet "bague allonge" (importante modification du tirage optique) : c’est encore un autre phénomène, qui n’a aucun rapport et qu’il vaut mieux ne pas aborder ici pour éviter d’embrouiller le sujet…
villegas juan carlos a écrit :
J'ai lu quelque part (je cherche à me rappeler où, et qui l'a dit) que l'on pourrait faire une sorte d'analogie entre la sculpture, et la visée d'un Leica R. Avec un R, on découpe dans la réalité une image. C'est un acte précis, net... il a un côté plutôt incisif.
Tandis que le viseur d'un M (plus imprécis) nous ouvre les portes de la peinture. On reçoit toute la beauté de la lumière... et il est doux comme un pinceau...
Subtile image, mais qui se discute : le viseur d'un "M" est "plus imprécis" mais il est en même temps plus "acéré", en prise très directe avec le sujet… C’est vrai qu’"on reçoit toute la beauté de la lumière", peut-être parce qu’elle n’est pas passée par la chambre noire ; c’est bien sûr une boutade, mais pas tant que ça : une vision plane sur dépoli, d’aussi bonne qualité soit-il, n’a guère de brillance…
villegas juan carlos a écrit :
Moi, j'aime les deux visées
Moi aussi, Juan Carlos : je possède une chambre Visoflex !
Je me souviens à quel point le Nikon F me fascina lors de sa sortie ; je l’admirais avant que Michelangelo Antonioni ne l’élève au rang de mythe dans "Blow Up" (1966)… J’ai possédé plusieurs appareils reflex, dont un Icarex 35 de Carl Zeiss ; j’appréciais l’interchangeabilité du viseur et du dépoli (l’un des trois viseurs est d’inspiration "Photomic", avec posemètre TTL au CdS).
Lison a écrit :
phipessac, je pense que l'écart entre le point de vue (PdV) du viseur et celui de l'objectif (pupille d'entrée), est négligeable, car il n'entraîne aucune différence VISIBLE.
En effet, cet écart est faible : dans la plupart des cas cela n’entraîne aucune différence.
Lison a écrit :
Enfin, plus polémique, quand Jean D écrit "En toute rigueur, l’image observée dans le viseur d’un Leica ne rend pas exactement compte de la perspective qui est transmise par l’objectif …", tout dépend de ce que l'on entend par "rigueur" et par "exactement".
Vous me taquinez à propos du vocabulaire, Lison, mais vous comprenez très bien ce que je veux dire ! Je persiste et signe :
pas exactement compte ! Par ailleurs je suis absolument d’accord avec votre message "Posté le: 06 Juil 2004 11:33" (je le désigne ainsi !).
phipessac a écrit :
Si les cadres du viseur des boîtiers M se déplacent pour corriger la parallaxe, pourquoi faut-il en plus parler de "correction de perspective" comme le fait Jean D. ? Quelle serait alors cette erreur de perspective ?
(Philippe : « les cadres du viseur des boîtiers M »… et aussi le cadre du viseur du Leica IIIg
)
Je ne parle pas de "correction de perspective", parce qu’il n’est pas question de la corriger. J’ai écrit que "correction de parallaxe ne signifie pas correction de perspective" : je m’expliquerai plus bas…
villegas juan carlos a écrit :
Philippe, d'après ce que j'ai cru comprendre l'erreur de parallaxe se produit quand l'objectif et le viseur ne reçoivent pas la même image.
Plus un viseur est éloigné du film + erreur de parallaxe ! Ex. le viseur d'un M (au dessus de l'appareil) ou celui d'un rollei bi-obj.
Alors, je "pense" que l'obj et le viseur ont une image avec une "perspective différente". Mais cette erreur est minime, et elle est d'ailleurs corrigée sur un M. (seulement pour les prises de vues de très près).
Exactement ! Voici pourquoi les Leica IIIg et "M", et le Rolleiflex 6x6, possèdent chacun un dispositif corrigeant automatiquement la parallaxe, déplaçant le cadre en fonction de la mise au point. Juan Carlos, cette différence de perspective, il ne s’agit pas d’une "erreur", mais d’une différence, et elle n’est pas corrigée sur un "M" (c’est la parallaxe, qui est corrigée).
Lison a écrit :
Exemple : la convergence des verticales peut être "évitée" par un décentrement, mais non "corrigée" puisqu'il ne s'agit pas d'une "erreur", mais d'une application stricte des lois projectives.
C’est absolument exact et excellemment formulé !
Lison a écrit :
Le point de vue de l'objectif, c'est la pupille d'entrée (voir fin du fil / la Perspective), mais j'ignore où se trouve celui du, très complexe, viseur du M.
Quoiqu'il en soit, l'écart entre les deux ne peut être très important et est donc "négligeable" en prise de vue générale.
Le point de vue du viseur d’un Leica "M" est évidemment situé sur l’axe de visée, probablement au centre de la face réfléchissante du prisme diviseur : c’est à cet endroit capital que l’axe optique du télémètre vient se confondre avec l’axe de visée. Je suis d’accord avec votre deuxième phrase : << "négligeable" en prise de vue générale >>.
phipessac a écrit :
En résumé, corriger la perspective n'a pas grand sens car celle-ci est de toute façon intrinsèque à l'image.
Exactement, Philippe ! De toutes façons, la perspective, par sa nature même n’a pas à être corrigée (ce n’est pas une "erreur", comme le signale Lison) ; en revanche, le photographe peut en tenir compte et la "façonner" en modifiant son point de vue.
phipessac a écrit :
Par contre, la correction de parallaxe est nécessaire sur un M pour cause de viseur spécifique : ladite correction n'est pas parfaite, mais suffit largement pour exercer son art photographique en toute quiétude (sauf macro, mais quelle idée d'utiliser un M pour cela !).
<< Ladite correction n'est pas parfaite >> : elle demeure quand même excellente, étant donné la complexité du problème à résoudre, et – dans la pratique – cette petite imperfection résiduelle reste négligeable, comme tu le penses.
<< Sauf macro, mais quelle idée d'utiliser un M pour cela ! >> : j’en connais qui le font, "à l’ancienne" ! Visoflex et soufflet, Summicron f :2/50 mm à mise au point rapprochée… A propos, le Macro-Elmar f :4/90 mm et son Macro-adapter M, n’est-il pas d’un principe analogue à ce vénérable et excellent Summicron ? Retour aux sources ?
phipessac a écrit :
Il me semble que la clarté d'un viseur M et la possibilité de surveiller ce qui se passe hors champ compense facilement cette petite imprécision.
Tu as parfaitement raison, Philippe : voici l’un des éléments de la séduction qu’exerce le Leica.
J’aborde enfin le sujet
correction de parallaxe ne signifie pas correction de perspective, après avoir commenté ces nombreuses citations car ce débat passionnant a été nourri… Encore une, pour la bonne cause :
Lison a écrit :
Le terme "correction de perspective" ne devrait d’ailleurs JAMAIS être employé car, sauf en dessin, il ne peut y avoir "d'erreur" en perspective.
En effet ; mais je n’ai pas prétendu que la perspective puisse être corrigée, bien au contraire, car elle existe, telle quelle, et obéit à des lois géométriques.
J’illustrerai mon propos à l’aide de deux d’hypothèses d’école schématisant une situation réelle…
(mes regrets : je suis bon en dessin, mais au niveau scan j’ai tout à apprendre, aussi je ne puis vous offrir de beaux schémas comme l’a fait Lison)
Premier cas : photographie au Leica "M" d’un mur orné de divers motifs, l’axe optique de l’objectif étant perpendiculaire à ce mur. La correction de parallaxe a rempli son rôle : la photo est conforme à l’image qui avait été cadrée. Comme il s’agissait d’une surface plane, la photo restitue l’image d’un plan : cet exemple est le cas limite de l'absence de perspective. Cette photo serait identique si elle avait été prise avec un appareil reflex.
Deuxième cas : photographie au Leica "M" d’un sujet composé de nombreux objets situés dans certains plans différents (pour simplifier, parallèles entre eux, l’axe optique de l’objectif leur étant perpendiculaire). Le photographe choisit de faire la mise au point sur l’un des plans et compose son image dans le cadre ; ce faisant, il peut observer dans ce cadre les objets appartenant aux autres plans, l’ensemble s’étage selon une perspective. Surprise, lorsque ce photographe découvre la photo : si la composition du plan sur lequel il a fait la mise au point demeure fidèle, les objets des autres plans sont décalés par rapport à ce qu’il avait observé dans le viseur ! Ce décalage est d’ampleur variable selon les plans considérés.
Explication : le viseur collimaté projette dans l’espace un cadre correspondant au champ photographié ;
le point de vue du viseur et celui de l’objectif convergent vers le centre de ce cadre, selon la distance évaluée par le télémètre. Les objets placés dans un plan situé à cette distance sont les seuls qui soient restitués fidèlement sur la photo. En somme, en avant comme en arrière du "plan de la mise au point" (perpendiculaire à l’axe optique de l’objectif), la composition de l’image de visée ne correspond pas exactement à celle transmise sur le film par l’objectif, tout simplement parce que le point de vue du viseur et celui de l’objectif n’y convergent pas (ils ne peuvent converger qu’en un seul point !). Cette "anomalie" (qui n’en est pas une) est inhérente au principe d’un viseur télémétrique ; le photographe peut ressentir une "erreur" de perspective, mais ce n’est pas une erreur !
La correction de parallaxe du Leica IIIg et "M" est seulement valable pour le plan sur lequel est faite la mise au point, et la perspective existe par elle-même, indépendante de la parallaxe : elle appartient à un autre monde que celui du plan de la mise au point et ne saurait elle-même être "corrigée" ! Ce "problème" ne concerne évidemment pas la visée reflex, qui procède d’un point de vue unique.
Dans la pratique cette différence de perspective est négligeable ; elle devient sensible dans les plans rapprochés, avec un objectif grand-angulaire. Ainsi un objet rapproché situé à l’intérieur du cadre, mais très près de celui-ci, peut-il être "coupé en deux" par le cadre, ou même en être éliminé. Cette différence de perspective devient parfois difficile à contrôler à travers un viseur grand-angulaire externe, car son point de vue est davantage éloigné de celui de l'objectif et d’autant que la correction de parallaxe est alors inexistante.
Je vous remercie tous de participer à cet intéressant débat (en particulier Lison, qui a su rappeler des notions essentielles touchant à la perspective et à sa perception culturelle). J’espère avoir été clair et que vous n'aurez pas été lassés par de trop abondants ou pointilleux commentaires ; j'espère aussi ne pas avoir trop encombré le forum avec ce long message…
Bien à vous,
Jean D.