Chaque famille palestinienne est concernée par la prison. Depuis 1967, 800 000 Palestiniens ont connu la prison en Israël, soit 20% de la population palestinienne et 40% des hommes palestiniens. Une association palestinienne s'occupe de cette problématique, ADDAMEER (Prisoner Support and Human Rights Association). Leur tâche est colossale et centrée particulièrement sur les cas de torture, de la détention administrative et des enfants emprisonnés.
Je les ai rencontré à Ramallah dans des locaux provisoires, les leurs ont été perquisitionnés avec saisie des dossiers et ordinateurs et des membres ont été arrêté par l'impitoyable machine judiciaire et administrative israélienne. Cette année pour les commémorations de la Nakba (désastre, catastrophe est le terme pour désigner l'exode palestinien après la création en 1948 de l'Etat d'Israël) s'est mêlé la crève de la faim de plus de 200 prisonniers palestiniens en Israël. Ils protestent contre la torture, l'isolement, la négligence médicale, les conditions précaire de détention et la détention administrative. Cette dernière est particulièrement complexe. Sans justificatif, renouvelable tous les six mois sans limite, la détention administrative est un outil redoutable de répression. Alors qu’elle ne devrait être utilisée, selon les préconisations internationales, qu’en cas d’urgence absolue et de menace immédiate pour la sécurité du pays, des milliers de Palestiniens ont été placés en détention administrative depuis la Seconde Intifada, pour certains plusieurs années, sans en connaître les motifs.
L’écrivain très populaire Ahmed Qatamesh vient d’être libéré après deux ans et demi de détention administrative. 40 parlementaires palestiniens sur 100 élus ont même été arrêtés après les élections de 2006, et dix croupissent encore en prison sous ce régime.
Depuis une semaine, environ 500 Palestiniens dont 190 mineurs ont été arrêté depuis le début de l'offensive militaire israélienne en Cisjordanie suite à la disparition des trois jeunes colons d'Hébron. La question de l'emprisonnement et de l'enfermement est cruciale pour les Palestiniens.
Bethlehem, manifestation devant l'Eglise de la Nativité. Ils interpellaient les passants sur l’arbitraire du système judiciaire israélien, les conditions de détention et la grève de la faim entamée par les 200 prisonniers.
Bethlehem, manifestation devant l'Eglise de la Nativité de soutien aux 200 prisonniers grévistes de la faim. Femmes et enfants étaient présents, souvent parce que leurs époux, pères ou frères sont détenus dans les geôles israéliennes.
Changement de décors. Partons pour Bi'lin, un village palestinien devenu très célèbre pour plusieurs raisons. D'abord parce que depuis 2005, chaque vendredi, sans aucune exception, qu'il neige ou qu'il pleuve, les villageois de tous âges, accompagnés d'internationaux, marchent ensemble pour protester contre le mur de la honte. Celui-ci coupe le village, privant les paysans palestiniens de 85% de leurs terres agricoles. À l'origine, en 2004, le mur devait longer les frontières de 1967 (Ligne Verte). Les Israéliens en ont profité pour grappiller des terres. En 2007, les manifestants de Bil'in gagnèrent une première bataille devant les tribunaux israéliens. Le mur fut déplacé. En tout, les villageois récupèrent plus de la moitié de leurs terres, qui furent tout de suite brûlées par l'armée israélienne.
De l'autre côté du mur, une colonie israélienne, qui grandit au fil des mois est barricadée de tous les côtés. Comme dans toutes les autres colonies, l'armée veille au grain. Plus loin, une autre s'étend déjà à l'horizon. Ce village est célèbre aussi parce qu'un film d'auteur, primé dans de nombreux festivals, raconte l'histoire de ce village. Son auteur est un paysan Emad Burnat et pendant cinq années il a filmé cette résistance pacifique. De sa rencontre avec Guy Davidi, réalisateur israélien qui connaît bien Bil’in, naît le film "Cinq Caméras brisées, une histoire palestinienne".
J'y suis allé, un vendredi, à l'une des manifestations de Bil'in, armé de la seule arme de destruction qui soit, un Leica monté de son Summicron 35 IV et armé de PX125 Kodak périmées. J'avais aussi et surtout un keffieh palestinien noué autour de mon coup et de mon visage et malgré cela je n'ai pas tenu longtemps... je devais certainement être un dangereux pacifique.
Début de la manifestation de Bil'in sous un soleil de plomb. Ce jour-là, la manifestation s'est faite aussi en solidarité aux 200 grévistes de la faim.
Immédiatement les soldats israéliens postés de l'autre côté du mur ont fait pleuvoir les grenades lacrymogènes. En réponse, quelques jeunes ramassaient des pierres et les lançaient contre le mur désespérément.
Nous avons été encerclé. Les plus virulents continuaient à avancer malgré les fumées toxiques. Certains d'entre nous ont été asphyxié. Ce fut mon cas, ils m'ont tiré trois grenades devant mes pieds et heureusement qu'un Palestinien a su me soigner rapidement et efficacement.
Game over mais pas de caméra brisée.
Merci encore pour vos commentaires et pour les références littéraires.